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Démasquage binaural : de la théorie à la pratique en laboratoire d’audioprothèse.

Deux patients présentant des audiogrammes voisins peuvent rapporter des expériences radicalement différentes en milieu bruyant. L’une des clés réside dans la capacité du cerveau à exploiter les différences de phase entre les deux oreilles, différences engendrées par la spatialisation des sources sonores, c’est-à-dire par leurs positions distinctes dans l’espace. Ce traitement binaural permet de dissocier la parole du bruit : c’est le démasquage binaural (BMLD/BMR). Comprendre ce mécanisme (et pouvoir le mesurer) permet d’affiner les choix d’appareillage, de comprendre et d’expliquer certaines plaintes dans le « bruit », améliorant ainsi la pédagogie autour de l’appareillage. 

Le démasquage binaural correspond au gain de performance (seuil ou score) observé quand on introduit un décalage interaural de temps (et donc de phase) entre la cible (parole) et le masquant (bruit). Ce gain varie selon la nature des signaux, leur spatialisation, l’acoustique du lieu, l’âge, le profil audiométrique et l’appareillage.

En un coup d’oeil

1) Démasquage binaural : que mesure-t-on exactement ?

Le démasquage binaural est la différence de performance entre :

  • une condition de référence (parole et bruit en phase ; comme s’ils venaient d’un même point dans l’espace), 
  • et une condition test (parole et bruit déphasés ; comme s’ils venaient de deux points différents dans l’espace).


La différence de performance, exprimée en seuil de reconnaissance de la parole ou en pourcentage de mots/phrases compris, reflète la capacité du système auditif central à exploiter les indices temporels (ITD et IPD). Cela permet à l’oreille de réaliser une ségrégation des flux, distinguant les différents signaux sonores présents dans l’environnement. C’est ensuite par un versant cognitif (attention et mémoire de travail) que l’on se focalise sur la source d’intérêt.

Deux familles de protocoles sont classiques :

  • Paradigme de phase (binaural pur) : on présente la parole en antiphase (ou le bruit en antiphase) entre les oreilles.Protocole manipulant uniquement des paramètres temporels tels que l’ITD et l’IPD.
  • Paradigme spatial (écoute spatialisée) : on sépare angulairement la cible et le bruit (ex. cible 0°, bruit ±60–90°).  Protocole plus écologique et représentatif de la vie quotidienne, agissant simultanément sur les paramètres temporels (ITD, IPD) et énergétiques (ILD).

2) Qu’est-ce qui fait varier le démasquage binaural ?

2.1. Facteurs liés aux signaux et à l’environnement

Le démasquage auditif n’est pas une constante de la nature, il dépend de la “matière sonore” : 

  • Stimuli : la nature fréquentielle et énergétique des signaux influence le démasquage binaural. En effet, l’analyse des ITD prévaut dans les fréquences graves, celle des ILD dans les fréquences aiguës. De plus, un signal de parole est généralement plus discernable dans un bruit fluctuant, surtout lorsque les signaux en présence diffèrent par leur contenu fréquentiel.

  • Réverbération : elle floute les indices interauraux et réduit le bénéfice mesuré en contexte réel (restauration, open space, …).

  • Scènes complexes : sources multiples et bruit diffus peuvent limiter l’émergence du signal d’intérêt (parole) et la séparabilité spatiale.

2.2. Facteurs liés au patient

Il dépend du profil individuel : l’âge affecte la synchronisation temporelle ; les pertes cochléaires altèrent l’analyse fréquentielle ; une asymétrie entre oreilles (ou une atteinte rétrocochléaire/centrale) réduit la capacité d’intégration. On comprend alors pourquoi deux audiogrammes proches aboutissent à des vécus si différents en milieu bruyant : il ne s’agit pas seulement de sensibilité périphérique, mais d’extraction d’indices et d’exploitation centrale. 

2.3. Appareillage et réglages

  • Un embout plus ouvert préserve mieux les indices naturels du son direct, cad. qui ne passent pas par l’appareil. On s’affranchit ainsi de la dégradation potentielle des informations temporelles que pourraient induire le traitement des appareils auditifs. En effet, bien que les fabricants mettent en avant la vitesse de réponse de leurs dispositifs,  8 ms (en moyenne) représentent à l’échelle de l’oreille un délai très conséquent : non seulement c’est bien au-delà des 600 microsecondes de différence intéraurale naturelle (durée maximale pour un angle d’incidence de 90°), mais toute désynchronisation entre appareils (par exemple 7 ms d’un côté et 8 ms de l’autre) peut également perturber la perception binaurale.

  • Un embout fermé permet de mieux contrôler la majorité des informations transmises à l’oreille, tout en réduisant l’impact du son direct. Dans les cas où le codage temporel est fortement altéré ou en présence d’un degré de surdité prononcé, son utilisation peut s’avérer nécessaire pour optimiser la transmission des informations.

  • Les traitements du signal, tels que la directionnalité ou la réduction du bruit, peuvent aider le patient, mais interagissent avec les indices interauraux. Leur action peut être bénéfique chez les patients présentant un codage temporel déficient, mais négative lorsque celui-ci est préservé. Dans ce cas, il peut être nécessaire de limiter l’intervention des algorithmes afin de préserver les informations interaurales essentielles. 

3) Passer du concept de démasquage binaural à la décision clinique

3.1. Trois bénéfices très concrets

Intégrer le test de démasquage binaural lors de la première visite permet de : 

  • objectiver les difficultés, ce qui permet de donner du sens aux plaintes dans le bruit, même chez des patients présentant un profil audiométrique normal,
  • orienter le choix d’embout (ouvert/fermé) et la priorisation des réglages, en cohérence avec le profil binaural, 
  • participer à l’adhésion : un score concret rend visible un concept abstrait (« vos deux oreilles travaillent plus/moins bien ensemble »), et facilite l’adhésion au plan d’adaptation. 

Un patient qui présente un bon démasquage profite généralement des indices binauraux naturels : on cherchera à préserver ces indices, et donc à envisager un embout plus ouvert, en veillant à ne pas écraser la spatialité par des traitements trop agressifs. À l’inverse, un patient au démasquage faible profite davantage d’un environnement stabilisé : un embout plus fermé aiderait à favoriser le rapport signal/bruit ; on donnera du poids à la directivité et à la réduction de bruit pour diminuer la charge cognitive.

3.2. Comment l’intégrer sans alourdir le planning ?

Certaines solutions audiométriques entièrement automatisées et normalisées, permettent d’évaluer le démasquage binaural en quelques minutes avec le casque de votre solution audiométrique. Encore mieux, certaines solutions permettent sa réalisation en autotest avant le rendez-vous ; aucune perte de temps et une donnée différenciante, pertinente et exploitable. 

3.3. Comment cadrer les attentes du patient

Le démasquage binaural est une composante parmi d’autres de la performance dans le bruit. Un bon score n’efface ni la perte périphérique, ni les contraintes cognitives, ni l’acoustique d’un restaurant réverbérant. En revanche, un score faible n’interdit pas le succès clinique si on optimise les caractéristiques de l’embout, le degré de directionnalité ou d’intervention de l’IA, et sans minimiser l’impact d’une bonne pédagogie. Il est important de sensibiliser le patient sur ces différentes composantes auditives et possibilités prothétiques afin de définir un projet réaliste avec ses besoins, son environnement et en adéquation avec son profil auditif.

4) Cas pratique : mesurer le démasquage avec le test SoNoise Evo

Pour illustrer comment objectiver le démasquage sans alourdir la consultation, on peut s’appuyer sur le test “SoNoise Evo” de SONUP, qui a fait l’objet d’une validation scientifique en 2024. Il s’agit d’un autotest de démasquage binaural de la parole dans le bruit utilisant une voix de synthèse. Pour la condition dite modifiée, le choix s’est porté sur une présentation antiphasique (signal de parole déphasé de π entre les deux oreilles).

Dans l’étude publiée dans Frontiers in Audiology and Otology*, l’équipe a établi des valeurs normatives du seuil d’intelligibilité dans le bruit sur une large cohorte adulte à l’aide d’une tablette et d’un casque calibré, montrant qu’un protocole court et standardisé peut fournir un indicateur robuste pour le dépistage et le suivi. Cette démarche rend la mesure accessible, réplicable et compatible avec un parcours de soins réel, y compris en autotest avant l’entrée en cabine.

Ce choix d’antiphase n’est pas anodin. Il s’inscrit dans une littérature plus large montrant que la présentation antiphasique améliore la sensibilité des tests de parole (mots courants, phrases ou chiffres) dans le bruit, en particulier lorsqu’on souhaite discriminer différents profils auditifs ou des asymétries de façon fine. Dans des travaux scientifiques récents sur les tests « digits-in-noise », la configuration antiphasique a permis d’augmenter la détection de pertes auditives et d’envisager l’usage de ces tests en mobilité (smartphone/tablette). En outre, cela reste soumis à un contrôle qualité et à une calibration préalable du matériel, mais s’inscrit dans la logique d’une mesure rapide et sensible du démasquage, 

Dans la pratique, SoNoise Evo met ces principes au service de la décision clinique : le test présente la parole dans le bruit en deux conditions (référence vs antiphase), calcule les seuils et calcule le gain individuel de démasquage. De plus, le test peut être réalisé en autotest avant la consultation, offrant ainsi un gain de temps pour le praticien tout en fournissant une information complémentaire utile au diagnostic.

Bon à savoir : Le test SoNoise Evo est inclus dans l’offre “System Audio” de SONUP.

FAQ

C’est le gain de performance quand le cerveau exploite les différences entre les deux oreilles (temps/phase) pour mieux séparer la parole du bruit ; on l’observe en comparant une condition de référence à une condition modifiée (ex. antiphase).

Le SRT classique donne une performance absolue en bruit. Le démasquage mesure un écart entre deux conditions (référence vs modifiée) : il renseigne sur la qualité du traitement temporel du système auditif du patient, pas seulement son audibilité.

Parce qu’il dépend des stimuli, de l’acoustique (réverbération), du profil auditif (périphérique et central) et des ressources cognitives. Deux audiogrammes proches peuvent donner des vécus en milieu bruyant très différents.

Un gain élevé suggère que le patient exploite bien les indices binauraux d’ordre temporel : on cherchera à préserver ces indices (ex. embout plus ouvert, traitements non “écrasants”). Un gain faible incite à stabiliser le rapport signal à bruit (embout plutôt fermé, directionnalité/NR renforcées/écouteurs Activent). Dans tous les cas, on valide ces choix dans des conditions de bruit.

Sur une étude 2024 (Frontiers in Audiology and Otology) décrivant le développement et la validation d’un autotest francophone de compréhension de parole dans le bruit avec des voix de synthèse de haute qualité à travers une tablette Android et un casque Bluetooth calibré. Elle établit des valeurs normatives et montre la reproductibilité du protocole en population adulte.

Le test SoNoise Evo peut être réalisé chez toute personne, à condition que l’audition ne soit pas trop altérée (hors surdité sévère à profonde), afin de mettre en évidence les difficultés de compréhension dans le bruit en comparaison avec un sujet normoentendant.

Le test est pensé pour l’adulte (conformément à l’étude). En cas d’asymétrie ou de suspicion centrale, il reste informatif, mais l’interprétation doit être prudente et corrélée aux autres examens.

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